Secret en coulisse...

 

Cet après-midi, alors que je me rendais à pied jusqu’à la pharmacie de mon quartier, je me suis surprise en train de répéter en boucle la demande que j’allais adresser au commerçant : « Bonjour, je voudrais un tube de Xxxxxx, des dosettes de Xxxxxx et du Xxxxxx en comprimés à avaler, s’il vous plaît. »

« En-com-pri-més-à-a-va-ler », j’insistais bien sur cette précision, qui m’éviterait le désagrément de sursauter si on me répondait : « Vous les voulez comment vos comprimés, effervescents ou à avaler ? »

J’ai l’impression de m’être livrée à ce petit jeu depuis toujours : répéter mon texte avant d’entrer en scène, comme si apprendre quelques phrases par cœur allait me protéger des imprévus ! Pendant des années, je n’ai pas eu conscience de cette habitude. 

Et puis j’ai reçu un diagnostic de syndrome d’Asperger et j’ai rencontré d’autres personnes autistes. En discutant avec elles, j’ai réalisé qu’il s’agissait d’une pratique courante, que je n’étais pas la seule à m’entraîner avant d’entamer une discussion avec quelqu’un.

Tant d’efforts à programmer un échange verbal, on peut se demander à quoi ça sert, car rien ne garantit que notre interlocuteur réagira exactement comme nous l’avions envisagé. Le risque d’être dérangé(e) par une question ou une remarque inattendues reste donc élevé...

Néanmoins c’est rassurant et, chez moi, c’est automatique : chaque fois que je dois m’adresser à quelqu’un, ou prendre le téléphone, je passe quelques minutes à répéter mentalement ce que je vais dire. Paroles que je recrache ensuite mot pour mot en situation réelle de communication.

J’ai remarqué aussi une différence importante en fonction du cadre dans lequel allait se dérouler les échanges. Mon appréhension est toujours plus forte lorsque je m’adresse à des personnes pour effectuer des demandes, et elle est aussi plus intense lorsque la conversation porte sur des sujets en dehors de mes domaines d’intérêt. Par exemple, je répète en coulisse avant d’entrer dans un commerce ou avant de téléphoner à un service administratif.

À l’inverse, quand je suis dans le champ de mes intérêts spécifiques, pas besoin de répétition. Si je réponds à des journalistes curieux d’en savoir plus sur mon livre, je connais parfaitement mon sujet et je n’ai pas d’inquiétudes. Leurs questions sont au contraire les bienvenues, car elles m’offrent l’occasion d’approfondir des propos que j’ai à cœur de partager.

De même, lorsque je reçois des personnes en séance de sophrologie ou d’hypnose, j’ai le sentiment réconfortant de maîtriser mes outils et donc la situation. Sûre de moi, je m’exprime alors avec aisance, de manière fluide et spontanée.

En attendant, un simple échange avec ma pharmacienne va occuper toutes mes pensées, le temps d’un trajet à pied… 


 

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