Le questionnement : « Et si j’étais autiste, moi aussi… ? »

 

Sur le plateau de 28 Minutes, où j’étais invitée en mars dernier, la journaliste Nadia Daam rapporte les propos du Centre Ressources Autisme Île-de-France, contacté avant l’émission : le CRA se plaint de « passer son temps à recevoir des gens qui ne sont pas autistes mais qui sont persuadés de l’être, notamment parce qu’ils ont vu des choses sur internet. » Il suffirait d’un reportage à la télévision pour que leur standard explose le lendemain.

« Quels conseils donneriez-vous à ces personnes qui se posent des questions... », poursuit la journaliste.

J’évoque à mon tour la complexité du diagnostic de TSA (troubles du spectre de l’autisme) et les difficultés à dénicher des professionnels formés à ces troubles. Quant aux auto-tests trouvés sur Internet, il me semble évident qu’ils ne constituent pas un diagnostic, mais restent utiles en tant qu’indicateurs. Pour rappel, seul un médecin peut délivrer un diagnostic d’autisme. Un psychologue peut orienter un patient et lui faire passer des bilans, mais il n’est pas habilité à valider un diagnostic de TSA.

Il faut donc se motiver quand on s’engage dans une démarche diagnostique et, en même temps, prendre suffisamment de recul pour envisager la possibilité d’être concerné par autre chose que des TSA, car ces troubles sont difficiles à dépister et à diagnostiquer pour diverses raisons.

« L’arbre qui cache la forêt », quand les praticiens ne voient que les troubles associés.

Les TSA sont encore méconnus des professionnels de santé, en raison d’un manque de formation dans leur cursus. Il est fréquent que l’autisme génère d’autres problèmes, pour lesquels nous allons consulter. Dans la même logique que leurs patients, les praticiens se focalisent sur les difficultés relatées et ne recherchent rien de plus.

Ce fut mon cas, et ce depuis la petite enfance... Dans un premier temps, mes parents se sont inquiétés pour ma santé fragile : je souffrais de troubles gastro-intestinaux, de troubles du sommeil et d’anxiété. J’étais maigre et souvent malade à cause de troubles de l’oralité. J’ai aussi souffert de migraines intenses qui n’ont jamais été expliquées, en dépit des nombreux examens effectués.

Plus tard, quand j’étais jeune adulte, j’ai consulté suite à une perte de poids importante. On m’a diagnostiquée anorexique et prescrit un traitement pour réduire les troubles anxieux, car je présentais aussi des TOC (troubles obsessionnels compulsifs). À une période où je me sentais très fatiguée, un médecin a même évoqué une dépression…

Tout était vrai, et je ne peux pas en vouloir aux médecins d’avoir posé ces divers diagnostics. Le problème, c’est que l’autisme était à la racine des autres troubles et que personne n’a jamais songé à creuser plus loin pour le découvrir.

À l’inverse, on peut tout aussi bien souffrir de troubles tels que ceux mentionnés ci-dessus, sans pour autant être forcément concerné par des TSA. Par exemple, toutes les personnes qui présentent des troubles du comportement alimentaire ne sont pas autistes. Dans certains cas, une prise en charge adaptée à ces troubles suffira pour aider la personne à se sentir mieux. L’objectif sera alors atteint et il ne sera pas nécessaire d’aller chercher plus loin

« Le camouflage », quand la personne masque elle-même les signes de l’autisme.

Les jugements négatifs étant généralement désagréables à supporter, il est fréquent que les personnes autistes aient pris l’habitude de masquer certains comportements typiques des TSA.

Par exemple, comme je le raconte dans mon livre, je m’entraînais régulièrement devant mon miroir quand j’étais adolescente, de façon à copier les expressions et les modes langagières des autres filles qui me semblaient plus « cool » que moi et dont j’enviais l’aisance en société.

Un peu plus tard, j’ai pris des cours de théâtre, ce qui m’a permis de mieux maîtriser des techniques de communication comme la prise de parole, l’écoute de l’interlocuteur, le choix des postures et des gestes…

Depuis longtemps, je fais aussi très attention à ne pas montrer en public mes « stéréotypies » (comportements répétitifs et apaisants). Quand j’en ai conscience, j’évite donc de me balancer sur mon siège et je prends garde à ne pas coller mon foulard sous mon nez pour renifler des odeurs qui me calment.

Finalement, grâce à toutes ces stratégies, mon TSA n’est pas visible au premier coup d’œil. Il faut avoir passé du temps avec moi pour repérer les signes de l’autisme dans mes façons de penser, de ressentir, de communiquer et de me comporter. Ce camouflage est utile en société pour échapper aux jugements mais peut s’avérer un obstacle si le professionnel de santé que vous consultez n’est pas formé aux TSA.

Pourtant, il ne faudrait pas croire que le camouflage est réservé aux femmes autistes. La plupart des personnes en souffrance, quelle que soit la nature de leurs troubles, préfèrent ne pas les dévoiler en public. Comme les personnes autistes, elles useront de stratégies afin d’éviter la stigmatisation.

En conclusion…

Il existe encore certainement beaucoup de personnes autistes (dont de nombreuses femmes) qui s’ignorent. J’espère que mon témoignage, et ceux d’autres personnes déjà diagnostiquées, les aideront à se reconnaître, à rechercher d’autres informations et à s’engager à leur tour vers un diagnostic.

Les bilans qu’elles effectueront valideront peut-être un TSA, ou peut-être pas… Certains signes des TSA étant présents dans d’autres troubles, il ne serait pas surprenant que leurs démarches les conduisent vers d’autres diagnostics.

Contrairement à ce que l’on peut entendre ou lire quelquefois, l’autisme n’a rien de « glamour » et ne présente aucun avantage particulier. Il n’y a effectivement aucun intérêt à « vouloir être autiste », comme le disent certains praticiens.

Ce qui compte, c’est de finir par savoir comment et avec quoi nous fonctionnons dans la vie, c’est de découvrir nos faiblesses et nos forces pour retrouver l’équilibre quand nous l’avons perdu. Autiste ou autre chose, il est toujours utile d’apprendre à nous connaître, à nous accepter tels que nous sommes et à vivre du mieux possible avec cela.


 


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