Le diagnostic de TSA : un feu d'artifice émotionnel

 

Imaginez, un court instant, la scène suivante : vous êtes assis(e) face à un psychiatre aux cheveux grisonnants, décoiffés, dans un cadre tout autant désordonné, comprenant une multitude de dossiers et de livres enchevêtrés sur le bureau et sur les étagères. Le vieil homme est en train de parcourir les comptes-rendus des bilans qu’il vous avait prescrits, quand soudain il ôte ses lunettes, se redresse et fixe son regard vers vous avant de lancer brutalement : « Eh bien..., au moins c’est clair, syndrome d’Asperger ! »

Première réaction : le soulagement 

Avant d’aller plus loin, je demande à ceux que le terme « Asperger » excède de bien vouloir me pardonner. Je sais que beaucoup s’offusquent de son utilisation, alors qu’il est censé avoir disparu des manuels (DSM5 et CIM11) et je reviendrai sur cette polémique autour de la terminologie dans un prochain article. Pour le moment, contentons-nous d’utiliser le terme revendiqué par un vieux psychiatre aguerri, qui rédige encore ses notes sur papier et range ensuite les feuilles dans des chemises en carton...

À cinquante ans passés, après des années d’errance et d’erreurs de diagnostics (tout est décrit dans mon livre, Celle qui souriait trop pour être autiste), la première sensation que j'ai perçue a été une forme de soulagement, presque de satisfaction, comme si je pouvais enfin dire : « Ben voilà, je m’en doutais et j’avais raison de penser qu’il s’agissait d’une forme d’autisme. Maintenant, je peux expliquer tout ce qu’il m’est arrivé depuis ma petite enfance, tous mes comportements atypiques et leurs conséquences sur ma vie. »

Deuxième réaction : la colère

Puis très vite, j’ai senti monter la colère, une immense colère venue du plus profond des tripes ! J’en voulais à tous ces médecins consultés depuis mon enfance, pas tant à cause de leur ignorance qu’en raison de leur condescendance. On ne peut pas reprocher à un professionnel d’ignorer ce que sont les TSA (troubles du spectre de l'autisme) si personne ne l’a formé à ce sujet. 

Dans mon enfance, la situation était d’autant plus excusable qu’il n’existait pas, ou peu, d’études sur l’autisme. Aujourd’hui, même si les TND (troubles neurodéveloppementaux) sont encore loin d’avoir livré tous leurs secrets, on dispose toutefois de connaissances qu’il serait bon de diffuser dans les facultés de médecine, ce qui n’est malheureusement pas encore le cas.

Troisième réaction : l'abattement

Enfin le psychiatre a commencé à parler de handicap… Au fur et à mesure de la discussion, je prenais conscience que toute ma vie j’avais « traîné un handicap » sans le savoir, et que j’avais dû me débrouiller seule pour le compenser. Naïvement, j’avais cru qu’il me serait possible, un jour, d’obtenir les changements dont je rêvais : me sentir détendue en société, à l’aise à l’extérieur de chez moi avec, en général, un sentiment de confiance et de sécurité qui m’avait toujours fait défaut.

D’un seul coup, je réalisais que toutes ces stratégies mises en place pour gagner en « zénitude » n’aboutiraient jamais aux résultats espérés. À cause de bugs dans mon cerveau et dans mon système nerveux, j’étais condamnée à vivre stressée, angoissée et insomniaque pour le restant de mes jours ! Cette pensée m’a écrasée, enfoncée, pilonnée pendant des semaines et des mois à la suite du diagnostic, avec cette fois un sentiment d’abattement, de résignation.

L'attente de jours meilleurs

Il m’a fallu du temps, une longue période de stagnation « au fond du trou », dans un état proche de la dépression, avant de me remettre de ce diagnostic. Je ne voulais pas débuter une psychothérapie avec le vieux psychiatre, très compétent dans le domaine de l’autisme mais trop éloigné de chez moi. J’ai recherché d’autres professionnels plus proches géographiquement, sans parvenir à en trouver un seul... : soit ils ne connaissaient pas les TSA, soit ils n’acceptaient pas de nouveaux patients. Néanmoins j’ai reçu du soutien auprès de quelques personnes concernées par l’autisme, qui partageaient donc le même vécu et comprenaient la situation.

Et puis un jour, mon tempérament naturel a repris le dessus. Agacée de me voir tourner en rond sans objectifs, j’ai décidé de mettre à profit ma colère, qui n’avait toujours pas disparu : c’est à ce moment-là que j’ai commencé l’écriture d’un livre, déterminée à raconter mon histoire et à partager mes pensées.

Et ensuite...

Je n’ai pas l’intention d’en rester là ! M'exprimer à travers un livre et des interviews me semble utile, mais cela ne suffit pas. Maintenant, il faut aussi agir. C'est pourquoi je suis décidée à m'investir dans des actions de sensibilisation et de formation de divers publics, plus ciblés. Accompagnée d'autres personnes elles aussi concernées par l'autisme, j'ai bon espoir que de nouveaux projets seront bientôt mis en place et j'espère avoir la joie d'en parler d'ici quelques mois dans ce blog !


 

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